saint Jacques et Compostelle
De belles images mal servies par le texte qui les accompagne
Nouveaux chemins mais vieilles idées (dimanche 6 décembre 2009)
Un beau livre par ses images qui aurait pu être un bon livre avec un bon auteur, ou un guide vraiment très bien illustré.

Couverture livre Huchet et Boelle Les nouveaux chemins de Compostelle en terre de France Patrick Huchet, Yvon Boëlle, éd. Ouest France, octobre 2009, 142 p., 30x24, ill. couleur, 28€ ISBN 978-2-7373-4348-3

Compostelle est écrit en gros sur la couverture. Cela fait vendre. L’éditeur et les auteurs continuent à exploiter le filon. Qui le leur reprocherait ? Une publicité intense et de nombreuses conférences accompagnent le lancement de ce livre que j’attends avec grand intérêt. Le livre ouvre sur une belle photographie dont la légende est : « Chapiteau représentant les pèlerins d’Emmaus à l’entrée de l’église Sainte-Engrâce, Pyrénées-Atlantiques ». La première ligne de l’introduction le confirme « Regardez bien ces pèlerins d’Emmaus … ». Mais, six lignes plus loin, l’auteur du texte écrit « Oui, ce sont bien des pèlerins de Compostelle qui sont ainsi figés pour l’éternité : munis d’un bourdon pour se défendre des loups ou des brigands … ». Tout est dit en peu de lignes. De belles images desservies par le texte qui les accompagne.

Il n’y a plus qu’à feuilleter le livre pour admirer les images. Le faisant, j’ai trouvé (p 85) « une des plus belles découvertes » de l’auteur, « le porche de Notre-Dame de Tramesaygues, dans le Couserans ». Cette église est inscrite au Patrimoine mondial au titre des chemins de Compostelle depuis 1998 ! Belle découverte à présenter en 2009 !

Pour ne pas en rester à cette mauvaise impression initiale, j’ai néanmoins poursuivi ma lecture, d’autant que l’auteur est présenté par l’éditeur comme « ayant suivi des études d’histoire avant de se tourner vers la recherche historique », ce qui pourrait être interprété comme un gage de sérieux. L’espoir renaît après quelques lignes car j’ai la surprise de lire : « Il faut définitivement abandonner la vision unique de quatre voies menant à Saint-Jacques en Galice… ». Enfin me dis-je, voila du nouveau dans la littérature jacquaire, ce livre efface un poncif. Espoir immédiatement atténué par la phrase suivante : « les jacquets ont emprunté mille et une sentes, sentiers, drailles, pistes montagneuses tissant […] une fabuleuse toile … » (l’auteur oublie sans doute volontairement les routes pour rendre plus historiques les GR actuels). Mais le coup de grâce est donné quelques lignes plus loin au lecteur à qui on a fait espérer un peu de fraîcheur dans les discours éculés. L’auteur salue « les heureuses initiatives […] pour mettre à jour les anciennes voies pèlerines ». Et le voila reparti à la recherche de voies historiques, sur fond de « ils passaient par là », confondant tout pèlerin avec un pèlerin de Compostelle comme depuis le premier paragraphe du livre et faisant du parcours de tout pèlerin de Compostelle identifié un « chemin de Compostelle ».

Le reste de l’ouvrage décrit ces nouvelles voies à la manière de n’importe quel guide, avec des commentaires qui semblent extraits des brochures des offices du tourisme. La plupart des lieux présentés n’ont pas grand-chose à voir avec Compostelle. Certains sont la trace d’un culte à saint Jacques dont l’auteur se garde généralement de donner l’histoire propre. Il est bien plus facile d’en faire une « étape sur le chemin de Compostelle ». Par curiosité, je suis allé voir ce qui est dit de Perpignan. C’est édifiant. L’auteur dit éprouver du « déchirement de ne pas pouvoir [en] mettre en lumière l’ensemble du patrimoine ». Déchirement sans doute d’autant plus grand que « se voulant avant tout jacquaire », il omet de mentionner que l’église Saint-Jacques possède encore une relique du saint et qu’elle fut donc le lieu d’un pèlerinage local. Par contre, comme dans tout bon guide il mentionne l’adresse du lieu où il a couché. Affligeant vous dis-je.

Ce livre présente des cartes de ces nouveaux chemins contemporains. Celle de la page 10 fait espérer qu’un jour les Régions du Grand Sud auront l’intelligence de promouvoir un circuit entre Lot et Gers, de Figeac à La Romieu, empruntant les chemins proposés aux touristes que l’on préfère envoyer à Compostelle plutôt que conserver « en terre de France ». La France est riche de circuits jacquaires sans lien avec Compostelle. Mais les promoteurs du tout Compostelle ont transformé son patrimoine jacquaire en balises. Ils lui ont fait perdre son âme en même temps que ses cultes locaux à saint Jacques. Il ne faut pas compter sur eux pour les identifier et les faire connaître. Rien à attendre non plus des associations de pèlerins. Il reste l’espoir qu’un jour des responsables locaux, élus ou associations, sauront mettre en valeur leur patrimoine sans le rattacher à Compostelle.

Les illustrations de ce livre le font classer dans la catégorie des « Beaux livres ». Elles ne suffisent pas, à elles seules, à en faire un bon livre.

Louis Mollaret


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