saint Jacques et Compostelle
Préface de Robert Plötz pour le récit de Jérôme Münzer

La Fondation David Parou Saint-Jacques a un vaste projet de recherche qui prévoit la publication d’une série de récits de voyages du bas Moyen Age à l’époque moderne. Saint-Jacques de Compostelle, à la fois lieu de pèlerinage et sanctuaire est le point de départ du projet. Au programme sont les voyages de Sebastian Ilsung (1446), de l’évêque arménien Martyr (1489-1496), d’Hermann Künig von Vach (1495), du seigneur flamand Antoine de Lalaing (1502), du Flamand Jan van (Jean de) Zeilbeke (1512) et du capitaine suisse Heinrich Schönbrunner de Zug en Suisse (1531). Auparavant, la directrice scientifique de ce projet, Denise Péricard-Méa, a publié une étude critique du voyage du Seigneur bohémien Léon de Rozmital . Avec son projet elle est dans la bonne tradition française que Jeanne Vielliard a commencée au XXe siècle avec sa traduction du Livre V du Liber Sancti Jacobi/Codex Calixtinus.

Six auteurs différents se sont partagés la première traduction intégrale en langue française, à partir du seul manuscrit latin de la bibliothèque d’Etat de Bavière à Munich qui, aujourd’hui encore, n’a été transmis que par une copie dans un Codex de Hartmann Schedel : Itinerarium siue peregrinatio excellentissimi viri artium ac viriusque medicine doctoris Hieronimi Monetarii de Feltkirchen ciuis Nurembergensis (Clm 431, fol. 96-274v.).

Ces activités d’édition scientifique en français des récits de voyageurs européens de leur langue d’origine ou du latin témoignent de la grande compétence de la Fondation David Parou Saint-Jacques et de sa responsable scientifique, Denise Péricard-Méa.

Voyager à travers la moitié de l’Europe n’est pas un privilège du tourisme moderne. Vers la fin du Moyen Age, il fallait évidemment y consacrer un à deux ans, mais des bourgeois aisés comme ceux d’Augsburg ou Nuremberg pouvaient se le permettre. Ce récit vieux de cinq cents ans décrit le déroulement d’un tel voyage et le lecteur contemporain peut sûrement encore s’intéresser au voyage, s’étonner, s’instruire et y participer. Jusqu’alors ce récit n’avait été mis en valeur que par des publications ou traductions partielles, surtout de sa partie espagnole, comme par exemple dans plusieurs traités de Ludwig Pfandl (par ex. " Itinerarium Hispanicum Hieronymi Monetarii 1494-1495 ", in : Revue Hispanique 48, 1920, S. 1-179) et dans la traduction assurée par Ramón Alba de la route espagnole (Jerónomo Münzer, Viaje por España y Portugal, 1494-1495, Madrid 1991). Du côté allemand, le médiéviste Klaus Herbers (Université d’Erlangen) travaille depuis janvier 2020 avec plusieurs collaborateurs scientifiques à une édition critique complète liée à une traduction en allemand.

Qui était Jérôme Munzer ? Il est né en 1437 à Feldkirch dans le Vorarlberg. Après des études des arts libéraux1 (artes liberales) à Leipzig il obtint le titre de docteur en médecine à Pavie et s’installa à Nuremberg. Alors que la peste (nova pestilentia) y sévissait en 1494, Munzer chercha le salut dans la fuite. Il laissa femme et enfant dans la ville impériale et entreprit un long voyage d’environ 7000 km qui le conduisit dans les années 1494/1495 de Nuremberg par la Suisse et la France en Espagne et au Portugal et finalement dans les Flandres. Nuremberg était, aux environs de 1500, un des plus grands centres intellectuels de l’humanisme. Dans les cercles scientifiques locaux, le médecin de Feldkirch pris part à diverses entreprises, comme par exemple le globe de Martin Bernhaim connu sous le nom de Erdapfel (la pomme de la terre), terminé en 1492, et à une des plus grandes entreprises de son temps, la chronique mondiale d’Hartmann Schedel imprimée un an plus tard en allemand qui, à elle seule, comprend 597 pages et 1804 gravures sur bois.

Les motifs du voyage de Munzer étaient multiples. Munzer s’intéresse à tout et le décrit dans l’esprit de curiosité critique de son temps (curiositas) en faisant souvent des comparaisons avec des éléments qu’il connaît de sa ville de Nuremberg. Il était vraisemblablement aussi chargé d’une mission diplomatique de l’empereur Maximilien. Au cours de son voyage il rencontra le roi Ferdinand d’Espagne à Madrid et s’entretint avec le roi du Portugal Jean II à Evora. De fin novembre à début décembre 1494 il passa six jours à Lisbonne où on l’informa sur les combats des Portugais en Afrique du Nord et lui fit rapport sur les voyages de découvertes.

Munzer rejoint ses contemporains et leurs récits de voyages dans leurs critiques des reliques comme celles de Saint-Sernin de Toulouse ou de la cathédrale de Santiago. Il nous a aussi rapporté une copie d’une partie du Liber Sancti Jacobi, en particulier du Pseudo-Turpin qu’il fit à Compostelle grâce vraisemblablement à un chanoine nommé Jean Ramus. Le schéma de l’église de Santiago qui figure dans cette copie passe pour être la plus ancienne représentation d’une église dessinée par une main privée dans le monde médiéval latin. Cette copie serait aussi l’explication d’un séjour de neuf jours à Compostelle, l’un des plus longs.

Il n’en reste pas moins que Santiago qui ne pouvait être évitée dans ce voyage n’en était en aucun cas le but.

Robert Plötz Président de la société Saint-Jacques en Allemagne


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