saint Jacques et Compostelle
Une publication de Rando éditions avec de belles photos
Un texte, affligeant pour le pèlerin-historien, qui pousse à la réflexion (samedi 22 décembre 2007)
Ce livre est écrit par un grand marcheur qui s’est fait une spécialité d’écrire sur les chemins de Compostelle mais n’a malheureusement pas mis à jour ses connaissances historiques. Son témoignage reproduit, sans originalité, la plupart des poncifs relatifs au pèlerinage contemporain. Il donne au lecteur averti la possibilité de s’interroger sur ce phénomène. Mais, en dehors de schémas éculés, il n’apporte pas de clés de lecture. Il est regrettable que l’éditeur n’ait pas fait le travail de discernement qui eût été nécessaire. Il est difficile de faire réfléchir en allant à contre-courant de ce qu’attend encore une majorité de lecteurs. Sans doute finiront-ils par se lasser de la répétition incessante des mêmes idées qui trainent dans tous les ouvrages de ce genre.

Couverture du livre Cet ouvrage est présenté comme un "album", il a le format des anciens albums de photos et en présente d’excellentes. Il s’agit du huitième livre de cet auteur sur les chemins de Compostelle. Jean-Yves Grégoire fait partie de ces quelques auteurs qui marchent, font de belles photos, font des observations intéressantes mais placent toujours leur expérience à la lumière de postulats aujourd’hui dépassés, cultivant leur fonds de commerce en surfant sur le phénomène compostellan.

Pour eux toute coquille balise toujours un chemin historique et tous les pèlerins ne furent que pèlerins de Compostelle. Ils en sont restés aux connaissances des années 1950 qui se vendent toujours bien et répètent inlassablement ce qui est écrit partout.

Alors qu’ils ont en mains tous les atouts pour mettre en valeur les chemins contemporains ils s’acharnent à faire croire que ce sont des chemins historiques. "Les vieux chemins de Compostelle se sont réveillés" dit ainsi la quatrième de couverture. Et le texte complète :

"En 1972 naît le GR 65 qui reproduit fidèlement le parcours emprunté par les jacquets médiévaux depuis la ville du Puy-en-Velay".

Aucun historien n’a jamais pu définir ce parcours, tracé en reliant au mieux des toponymes Saint-Jacques et des lieux qui voulaient bien accueillir des pèlerins. L’imagination a suppléé le manque d’informations.

Mais l’imagination qui permet de tracer des chemins ouvre la voie à l’imaginaire quand on invite des marcheurs à les parcourir en leur faisant croire que :

" Le Chemin de Saint-Jacques tire sans doute sa puissance des millions d’êtres qui ont foulé son sol depuis un millénaire. Ces hommes et ces femmes du Moyen Age étaient mus par d’autres motifs que les nôtres... En plaçant nos pas dans leurs traces, nos doutes, et notre égo dérisoire se trouvent confrontés à leur élan infatigable et à la pérennité des chemins". [1]

Cet imaginaire soutient la démarche pèlerine. Il fait partie de la magie de Compostelle et l’auteur rend compte de l’expérience qu’il en a faite. Pourquoi cet imaginaire est-il nécessaire à certains ? Cet album rappelle cette remarque d’un autre grand pèlerin à qui étaient présentés les résultats de la recherche contemporaine. Il a eu cette réflexion : "si tout cela est vrai pourquoi ai-je marché ?". Un nouveau champ de recherche s’ouvre ici mais l’ouvrage n’apporte pas de réponse puisqu’il ne pose même pas la question.

Il y a dans ce témoignage une autre dimension également partagée par beaucoup de ceux qui écrivent sur Compostelle. elle est traduite par cette phrase :

En marchant sur les chemins de Saint-Jacques,

"nous pouvons manifester notre attachement au message chrétien originel sans nous joindre forcément à l’Eglise officielle ...".

autre dimension qui mériterait une analyse sociologique pertinente.

Cet album est tout à la fois un guide, un livre d’art, un témoignage de pèlerin. En ce sens il plaira malgré ses travers. Le but affiché est que ce "portrait de huit grands chemins vers Saint-Jacques" soit "une invitation au dépaysement". Ce but sera sans doute atteint pour trois raisons :
- le livre est agréable à feuilleter et les illustrations à elles seules sont invitation au voyage
- le discours convenu qu’il véhicule est encore à la mode dans un vaste public.
- il est invitation à "une recherche au fond de soi de l’Etre et du sacré" et de cela chacun a besoin.

[1] Voici, donné par Jérôme Münzer, en 1494, un témoignage des pratiques pèlerines à Compostelle :

« Sept des 12 chapelles sont des paroisses de Compostelle où on administre les saints sacrements et où on enterre les notables de la paroisse. Nous avons pu assister à l’enterrement de deux défunts. Devant l’un des cadavres ils amenaient une outre pleine de vin, deux sacs de pain, deux quartiers de bœuf et deux moutons, qui constituent les droits paroissiaux…. Les chanoines chantent avec beaucoup d’application les Heures et les Offices mais ils font plus attention à leurs profits qu’à leurs prières. Les cris des gens à l’intérieur de l’église sont tels qu’on se croirait dans une foire. Il y a très peu de ferveur. Le saint apôtre mérite qu’on le vénère avec plus de révérence. On croit qu’il est enterré sous le maître-autel avec deux de ses disciples, un à sa droite l’autre à sa gauche, bien que personne n’ait vu son corps même pas le roi de Castille quand il est venu en l’année du Seigneur 1487 Nous le croyons seulement à cause de notre foi et c’est elle qui sauve les hommes ».


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