saint Jacques et Compostelle
Extrait du livre " Ailleurs c’est comme ici. Brèves de voyage "
Une invitation à voir le Chemin autrement (lundi 21 janvier 2008)
Docteur ès-lettres, Raymond CHABAUD a un goût certain pour les livres de voyages qu’il aime précis, didactiques, enjolivés de cartes. Il s’est promené un peu partout. Il ouvre en 1973, la librairie L’Astrolabe, puis sera auteur de plusieurs guides du Routard, notamment celui du Pays-Basque. Il dirige actuellement les librairies de Voyageurs du Monde. Il aime Flaubert et les bornes d’enregistrement rapide des aéroports. Avec on aimable autorisation nous publions le chapitre consacré au Camino dans son dernier ouvrage.

AILLEURS C’EST COMME ICI Brèves de voyages

Auteur : Raymond CHABAUD, Paris, 2007,Broché, 13 X 19,5 cm, 160 pages, 20 illustrations N&B ISBN : 9782915867213

Se promener dans le monde, prendre des notes, essayer de retrouver des systèmes de signes qui fonctionnent. Sans cesse se heurter au stéréotype, le détester et finir par s’y accoutumer, par comprendre qu’il s’agit simplement d’un cliché qui a bien réussi. Le monde est beau, le monde est curieux, étrange, sécurisant, dérangeant. Le monde n’existe pas sans livres. Partout, ce sont des lectures qui reviennent à la mémoire, des pages enfouies qui surgissent et donnent du sens à ce qu’on voit. On ne peut pas voyager sans livres mais on ne peut pas voyager seulement avec des livres. Il faut toujours cet aller-retour du signe imprimé au signe réel : le sens naît de cette confrontation permanente entre une forme qu’on voit et la signification qu’on a apprise. Il suffit alors de fermer la porte pour recevoir les clés du monde. Auteur de guides de voyages, Raymond Chabaud a parcouru de nombreux pays. A travers de brefs récits, il nous livre ici, sans concession mais aussi avec humour, ses réflexions de (et sur le) voyage en l’illustrant d’exemples pris dans une vingtaine de lieux (Petra, Katmandu, Jersey, Nirobi, Munich, Agadir, Baja California, Espagne, Mycènes, Orlando, Tokyo, Bilbao, Le Caire, etc.) où il s’est rendu au cours des trente dernières années

CAMINO

Le Chemin de Saint-Jacques est l’une des plus magnifiques et des plus durables escroqueries culturelles de la Chrétienté. Je le sais, j’y suis allé et plutôt cinq fois qu’une. A pied ? Pas si bête ! La première fois, c’était un devoir, un travail. Avant de partir, je me suis donc préparé, comme d’habitude, en lisant. Pour une fois, les livres m’ont effondré. Jamais, sur aucun sujet (sauf peut être le bouddhisme tibétain), je n’ai vu couler autant de bigoterie naïve, autant de pseudo-spiritualité.

Je savais que le Chemin était une imposture : comment expliquer qu’à l’heure où se vident les églises, le Chemin soit si fréquenté ? Faut-il marcher pour trouver Dieu ? Le discours des zélateurs de la sudation spiritualisée était plein d’erreurs et d’approximations. Ils me parlaient du récit d’Aymeri Picaud comme d’un guide que suivaient tous les pèlerins, une sorte de Guide Bleu du parfait jacquaire. Or, écrit bien avant l’invention de l’imprimerie, il me semblait que la diffusion de ce texte ne devait pas être exceptionnelle. Vérification faite, il reste cinq copies du Codex Calixtinus qui contient le récit du moinillon. Vivant en terre jacquaire, je trouvais étonnant leur volonté de m’expliquer qu’il n’y avait qu’un chemin, du moins à partir de Puente la Reina. Il ne faut pas être grand clerc pour imaginer que des milliers de gens, sans cartes (les cartes étaient plus rares au Moyen Age que les bouteilles de pastis en Arabie saoudite aujourd’hui), sans réelles connaissances géographiques, sans boussole, bref sans rien, puissent suivre un seul chemin comme un seul homme. Les milliers de pèlerins me paraissaient aussi quelque peu surestimés dans une Europe à la démographie faiblarde, sujette aux grandes épidémies et aux famines à répétition.

Le discours compostellan présentait donc tous les attributs d’un discours stéréotypé, d’un tissu d’approximations simplistes, comme il convient à une construction idéologique. On ne doit pas oublier le surnom de saint Jacques dans l’Espagne médiévale : Matamoros, le tueur d’Arabes. L’Espagne s’est bâtie sur l’idéologie de la Reconquête et saint Jacques en était une pièce maîtresse. Avant de partir, je regardais donc le Chemin avec une certaine suspicion.

Il suffit de regarder une carte pour comprendre que le Chemin repose entièrement sur le tracé des grandes voies romaines et notamment la fameuse voie de Bordeaux à Astorga. On oublie trop souvent que les voies romaines ont servi longtemps après que l’Empire ait disparu. Elles servent encore et, en Languedoc, l’autoroute suit la Voie Domitienne. Les voies de passage obéissent à des règles géographiques qui n’ont pas varié au cours des siècles : c’est le col qui fait la route et non le contraire. Or, le premier col chante à toutes les mémoires : Roncevaux.

Pour aller à Roncevaux, il ne faut plus traverser Arnéguy. Afin d’améliorer la circulation, on a construit avant le village une sorte de déviation et un nouveau pont. Le résultat est abominable. Tout l’ensemble, le petit village, la place principale avec son fronton, le petit pont de pierre encaissé, est aujourd’hui totalement déséquilibré. Arnéguy possède désormais sa banlieue, quelques ventas modernes, une quasi-rocade. J’ai failli pleurer devant tant de laideur.

La montée de Roncevaux est une vraie montée. Pour les pèlerins, ce sont quatre heures de route goudronnée, brûlante. Les cyclistes louvoient d’un fossé à l’autre, les groupes les plus soudés se défont rapidement et s’étalent sur des kilomètres. Pour qui a décidé de démarrer le Camino à Saint-Jean-Pied-de-Port, la première journée est un enfer, ce qui fait bien l’affaire des taxis locaux qui savent organiser un convoyage efficace en déposant les pèlerins prévoyants sur un faux plat à un kilomètre de l’abbaye. Sur la route, une douzaine de Japonais. C’est le premier groupe de pèlerins que je rencontre et voilà que ce sont des bouddhistes ! Il faut réprimer mon envie de rigoler : après tout, j’ai quelques bons copains, catholiques et baptisés qui ont fait le tour du Kailash ou le pèlerinage d’Amarnath. Mais si le regard que Indiens et Tibétains portait sur eux est le même que celui que je porte aujourd’hui sur les Nippons en sueur, je suis bien content de ne pas les avoir accompagnés. Le culte des saints commence à en prendre un vieux coup !

La route est en balcon. Le vrai itinéraire, celui de Charlemagne, passe par le thalweg. Pas très bon stratège, le barbu. Au fond de ce canyon boisé, ses troupes n’avaient pas une chance de s’en sortir. L’itinéraire romain, un peu plus long, se trouve plus à l’Est, sur les hauteurs d’Urkulu, où il pouvait passer sans trop de risques. Finalement, la Chanson dit vrai : on a indiqué à Charles la seule voie où une embuscade était possible et efficace, il a été trahi. Roncevaux trône sur un épaulement qui domine la plaine de Navarre. La descente sur Pampelune est une merveille : on passe en quelques kilomètres d’un paysage totalement alpin, conifères, chalets de bois, murs gris et ardoises à la plaine méditerranéenne, calcaire, légèrement rosée, où les maisons ocre s’ornent de tuiles rondes. L’Arga, gave pyrénéen, se jette dans la Méditerranée, pas dans l’Atlantique. Plus à l’Ouest passe un autre Chemin de Saint-Jacques, sur une autre voie romaine bien conservée. On monte lentement sur les vestiges largement pavés pour déboucher sur les alpages. La première surprise est l’état de conservation de la chaussée, vingt siècles après, la douceur de la pente, l’intelligence du terrain. La voie passe par un tunnel naturel à San Adrian où se blottit un ermitage du XIIIe siècle. Vers l’Ouest, c’est le Gipuzkoa, le Pays basque atlantique, ses houles de forêts ; vers l’Est, l’Alava et la Navarre, leurs plaines sèches. A San Adrian, on est sur la ligne de partage des eaux qui est plus qu’une indication géographique. Les seigneurs de la Reconquête, ce sont ceux de l’Est, comme est de l’Est le culte du toro. Cette ligne court le long de l’Atlantique et délimite ce qu’on appelle aujourd’hui España Verde, l’Espagne verte : Pays basque, Cantabrie, Asturies, Galice. Au sud de cette ligne, des dizaines de monastères. Au nord, jusqu’à Potes, ils sont rarissimes. L’Espagne verte regarde l’Océan que l’Espagne ocre ignore. De Roncevaux à O’Cebreiro, les pèlerins cheminaient dans l’Espagne ocre.

Le Chemin a d’abord été un symbole de guerre. A Roncevaux, on voit le gisant de Sanche le Fort, le vainqueur de la bataille des Navas de Tolosa, la première grande défaite des Maures. A Covadonga, on visite le sanctuaire fondateur de la monarchie espagnole, élevé sur le lieu d’une bataille où les troupes arabes furent arrêtées. Au VIIe siècle, l’Espagne catholique, c’était quelques vallées navarraises et aragonaises et l’Espagne verte. Au pied de la ligne de partage des eaux, on suit les progrès de la reconquête par les abbayes cisterciennes : Leyre, La Oliva, San Millan. C’est aussi la ligne de culture du vignoble : Navarre, Rioja, Galice, les plus anciennes vignes d’Espagne. En Galice, le cépage est l’albariño, le « blanc du Rhin », importé de Bourgogne par les moines de Citeaux. A Fitero, se dresse la statue de saint Raymond, abbé du lieu et fondateur de l’ordre de Calatrava. La chrétienté s’est adossée aux Pyrénées et à la Cordillère Cantabrique pour reconquérir la Péninsule.

A O’Cebreiro, le Chemin entre en Galice. Le village, grisâtre, se tapit autour d’un col aux allures vosgiennes. Le plus grand bâtiment en est le « Centre d’aide aux pèlerins et aux consommateurs ». On reconnaîtra au Gouvernement galicien le mérite de la franchise. Il faut dire qu’il fait fort, le gouvernement galicien, tenu (jusqu’aux élections de 2005) d’une main de fer par le vieux cacique Fraga, ancien ministre de Franco et parrain politique d’Aznar. Le Camino lui va à merveille avec son idéologie catho-conservatrice qui draine des milliers de portefeuilles vers le tombeau de saint Jacques. Les gouvernements provinciaux s’évertuent à garder les pèlerins sur le Chemin. Même en tordant un peu le cou à la vérité historique. Au fil des siècles, l’antique voie romaine est devenue route, puis quasi-autoroute où passent en grondant d’énormes camions. Le pèlerin, le plus souvent, suit un chemin parallèle, sécurisé mais dont le tracé obéit d’abord à un souci d’aménagement du territoire. Les détours sont nombreux vers des hameaux isolés qui vont bénéficier de la manne pèlerine. Si les autorités construisent des auberges pour pèlerins, elles sont, de toutes façons, insuffisantes et les refuges privés, les chambres d’hôtes, les auberges ont fleuri partout. A ce petit jeu, les Hollandais sont passés maîtres : j’ai trouvé une bonne dizaine d’auberges privées construites et gérées par des Bataves. On m’a d’ailleurs affirmé qu’ils étaient l’une des nationalités les plus représentées sur le Camino et je n’ai eu aucun mal à le croire, ils sont partout. Après les bouddhistes, les parpaillots : tous ces gens qui ne croient pas aux saints viennent perdre kilos et euros sur un itinéraire qui les exalte.

Du moins, les haltes bataves sont elles propres et mixtes. Certaines antiques auberges sont des taudis où flotte en permanence l’odeur des pieds mal lavés et quand la gérance en est ecclésiastique, la mixité est bannie : il faut garder son énergie pour l’Eglise. Grâce à Dieu, les refuges privés permettent de bien plus étroits contacts entre les âmes et les corps pèlerins.

Les autorités assurent le gîte, mais pas le couvert et les temps ne sont plus où l’indigène accueillait le pèlerin gratis pro Deo : une bière à Barbadelos coûte plus cher qu’à Santiago et le pain des sandwichs voit son coût s’aligner sur celui des transports majoré de la dîme et de la TVA. Le Camino est un chemin de renoncement : on renonce à son confort, aux plaisirs de la vie pour se purifier et, pour se libérer totalement des biens matériels, on est aidé par les banques qui ont installé des distributeurs automatiques partout.

Etre pèlerin suppose d’obéir à une sémiotique simple. Il faut arborer chapeau, gourde, bâton et coquilles Saint-Jacques. Facile. Dès Roncevaux, toutes les boutiques en vendent et, même si les coquilles Saint-Jacques sont en plastique et fabriquées en Chine, on n’y regardera pas d’aussi près. Drôle d’évolution symbolique que celle de cette coquille qui, au Moyen Age, était ramassée sur la plage de Pardon, près de Santiago, et servait de preuve au retour. Aujourd’hui, elle s’arbore dès le départ et prouve qu’on y va et non qu’on y est allé. Bon, si ça les amuse…..

Tout le Camino est comme ça, un immense système de signes, vidés de sens, changés de sens, truqués ou pervertis. Pour le dire simplement, la plupart des pèlerins sont à côté de la plaque. Non loin de Sarria, une petite église dédiée à saint Roch dont la statue trône sous le porche. Un groupe d’anglo-saxons s’autophotographie devant le célèbre lépreux. De leurs pépiements (ils sont majoritairement féminins) je comprends qu’ils sont persuadés qu’ils se souvenirisent devant le Matamoros. Il est exact que saint Roch et saint Jacques portent le même chapeau, du moins dans l’iconographie traditionnelle. Mais le premier est presque toujours accompagné de son petit chien et il dévoile souvent la plaie de sa cuisse (la lèpre) en un geste salace qu’une hétaïre du Bois de Boulogne ne renierait pas, la main soulevant la jupette pour dévoiler le haut de la jambe. Ici, pas de geste, mais le chien est là, tout petit, derrière le pied gauche.

Ça ne remonte pas à hier : non loin de Noya, au tympan d‘une église, on peut voir l’arrivée de saint Jacques aux rives de Galice. Il est fièrement planté dans son bateau, une sorte d’abreuvoir en pierre que tirent des anges. On avait du dire au sculpteur que, dans l’Evangile, « Jacques était pêcheur dans la barque de Pierre » et, pour lui, une barque de pierre, ça devait ressembler à un abreuvoir. Que cette pierre soit un Pierre et même LE Pierre, pêcheur, renégat et pape, n’a jamais effleuré personne. Le sculpteur ne devait pas être très marin, très malin, pour imaginer qu’une pierre puisse flotter du Lac de Tibériade au cap Finisterre. Non, ça ne date pas d’hier. Les pèlerins qui partaient à Compostelle pour prier les reliques de Jacques n’hésitaient pas à faire de larges détours pour adorer d’autres reliques que possédaient d’autres sanctuaires. Le calcul a été fait : au XIIIe siècle, on pouvait reconstruire une bonne douzaine de saints au moyen des reliques réparties dans toute l’Europe. L’escroquerie fonctionnait à plein. Le plus beau, si l’archéologue galicien qui m’a donné l’information était sérieux (et même s’il ne l’était pas, je veux le croire), le plus beau c’est que la basilique de Santiago abriterait le corps de Priscillien, un hérétique galicien, adepte d’une sorte de communisme primitif, décapité sur ordre du Pape. Tous ces chrétiens peinant, suant, soufflant pour adorer un hérétique, c’est vraiment magnifique. Le vieux Karl ne pouvait pas le savoir : la religion n’est pas l’opium qui adoucit la vie, c’est le LSD qui hallucine.

Au premier voyage en Espagne, j’ai fait l’achat le plus important : un dictionnaire des saints espagnols. J’avoue que j’étais perdu au milieu de tous ces Pelayo, Emeterio, Celedonio qui étaient totalement absents de ma culture chrétienne. L’Espagne vénère des dizaines d’individus que seuls les Espagnols connaissent. Prenez Toribio. Qui connaît Toribio ? Qui a jamais entendu parler d’un saint Toribio ? Et bien, il existe, il a même son monastère, dans la vallée de Liebana, au pied des Pics d’Europe et ce Monastère de Santo Toribio n’est rien de moins que le quatrième lieu saint de la Chrétienté, après Jérusalem, Rome et Santiago. Oui, ce trou perdu dans les montagnes est plus sacré que Lourdes, Assise ou Medjugorje. Tout ça pour une histoire de reliques protégées des envahisseurs musulmans. A Santo Toribio, il y a régulièrement des Années Saintes où tous vos péchés vous sont pardonnés, où vous vous retrouvez pur comme au jour de votre baptême. Au XIIe siècle, les vrais croyants passaient par Santo Toribio en allant à Saint-Jacques : deux Lieux Saints pour le prix d’un, ça valait le coup. Aujourd’hui, il n’est plus sur le chemin officiel, il n’a pas l’estampille. Du coup, personne n’y va. J’y suis allé, c’était une Année Sainte et j’ai été purifié des pieds à la tête. Peut-être que ça ne sert à rien, mais le pari pascalien ça marche dans les deux sens.

Parce que, on l’oublie trop souvent, le Camino officiel évite un paquet de lieux intéressants. Il vous fait traverser la Navarre en s’écartant de deux des plus beaux monastères de la province, Leyre et La Oliva, il oublie la superbe Tudela et la délicieuse Olite. En Galice, Lugo, la plus belle fortification romaine d’Europe, est tenue à distance. Suivez le chemin et vous ne verrez pas la superbe basilique de Mondoñedo, le château de Verin, le petit Escorial de Monforte de Lemos. Bien entendu, tous sont des lieux compostellans [1]. Les églises, les hôpitaux anciens, les abbayes en témoignent. Mais le marketing du Camino obéit aux règles du marketing et le message doit être simple. La magnifique polysémie médiévale s’est dissoute dans la modernité, les centaines de chemins se réduisent désormais à un itinéraire balisé, et le discours officiel accompagne des milliers de marcheurs qui pensent rejoindre ainsi une cohorte millénaire.

Et c’est encore une escroquerie. L’estimation du nombre de pèlerins a été faite au moyen des archives des confréries jacquaires qui existaient dans toutes les grandes villes et regroupaient ceux qui avaient fait le pèlerinage. Ce que l’on ne dit pas, c’est qu’on pouvait faire le pèlerinage par procuration et qu’un marcheur portait les intentions de dix ou quinze personnes qui, à son retour, étaient considérées comme ayant réellement fait le chemin de Saint-Jacques. Les chiffres peuvent donc être divisés par dix et la foule pèlerine médiévale retrouve ainsi des proportions plus compatibles avec la démographie de l’époque [2].

Le Camino m’a donné plus de plaisir que tout autre lieu. Il y avait tant à observer, à décrypter, à analyser. C’est un chemin païen où l’on retrouve facilement les vieux lieux de culte auprès des gués, des sources, les vieux lieux de culte récupérés par le christianisme des débuts et magnifiés par le pèlerinage. On y voit les strates de l’histoire, les soubresauts de la religion, les églises romanes influencées par l’architecture arabe. Ici, on a récupéré des colonnes romaines, là, on a conservé une iconographie wisigothique. Au bout, à Santiago, le baroque a tout enseveli sous un amoncellement de dorures. Et quand on décide d’oublier l’itinéraire balisé, on va, seul, de surprises en découvertes et la polysémie se reconstruit d’elle-même.

Le Camino est un chemin pour flâneur. C’est bien pour ça qu’il ne faut surtout pas y aller à pied. La marche est trop fatigante pour s’offrir les détours, les retours et les contours que mérite cet itinéraire magique. Il faut y aller les yeux ouverts, l’esprit libre, il faut surtout savoir s’y arrêter chaque fois que le terrain le sollicite.

Et il faut aller jusqu’au bout, je veux dire après Santiago, au Cap Finisterre, pour comprendre que le Camino n’est qu’un prétexte, un de plus, pour aller jusqu’au bout de la Terre.

[1] l’auteur imagine que les pèlerins de Compostelle passaient par ces lieux

[2] Toutes les confréries n’étaient pas des confréries de pèlerins et les chiffres dont disosent les historiens sont tardifs, XVIIe et XVIIIe


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