saint Jacques et Compostelle
Un voyage de noces dont les médias parlent beaucoup (jeudi 26 mars 2009)
Leur voyage de noces : aller à pied de Paris à Jérusalem sans argent. Un voyage de pauvres à l’écoute des autres. Depuis leur retour les médias parlent beaucoup d’eux. Au revoir la pauvreté !

Un chemin de promesses Edouard et Mathilde Cortès XO Editions, nov. 2008, 316 p., livret 16 p. photos couleur. 9 782845 633551, prix : 19€90

Edouard est journaliste, il a déjà publié plusieurs récits d’aventures. Mathilde et lui sont amis mais il lui propose un jour de « l’accompagner dans le mariage » et dans une « longue marche pour construire leur couple ». Elle aurait aimé Compostelle mais lui connaît. Alors pourquoi pas Jérusalem ? OK et pourquoi ? « Apprendre à marcher ensemble, à s’accorder, … à nous confier plus à Dieu aussi ». Et elle d’en rajouter « Pourquoi ne partirions-nous pas sans argent ? Si on compte uniquement sur l’hospitalité des gens … on sera obligés d’aller vers eux, de nous ouvrir aux autres ». Défi accepté par Edouard.

Cette explication de leur démarche définie dès le début de leur récit (p. 15) retient l’attention du lecteur irrité par la quatrième de couverture présentant leur « … volonté de dépouillement, à la manière des pèlerins du Moyen Age ». Voila encore des nantis qui partent « jouer aux pauvres » en se référant à un faux Moyen Age peut-on penser. Cela valait donc la peine d’ouvrir le livre et de ne pas s’arrêter à cette première impression.

Ces questions sur le pourquoi de leur démarche, leurs hôtes d’un soir ne manquent pas de les poser aussi. En témoigne ce dialogue : « … nous sommes partis à la rencontre des hommes, pour mieux connaitre et mieux aimer ». Et l’hôte de répondre : « Vous auriez pu rencontrer les gens à côté de chez vous » (p.63). Le lecteur pourra voir au fil des pages comment s’affinera leur réponse.

Et voila le projet lancé, ce sera leur voyage de noces. Une aventure à deux, démarrée dans l’enthousiasme d’un matin de juin 2007, devant Notre-Dame de Paris.

Ils sont attachants quand ils racontent les péripéties de leurs journées et disent leurs sentiments. Ils sont irritants quand ils dissertent sur l’amour. Les passages où ils disent comment ils le vivent sont heureusement plus nombreux que ceux où ils en parlent. Le lecteur aimerait n’avoir que des confidences d’amis comme celles qu’ils ont reçues souvent au cours de leur voyage. Mais l’inévitable composition nécessaire à la publication d’un livre nuit parfois à la spontanéité et, dans une certaine mesure, à valeur du témoignage qui semble parfois trop bien arrangé.

Cette gêne est accentuée après que la dernière page ait été tournée. Le récit parle d’un simple appareil photo mais à la fin du livre est proposé le DVD filmé avec « leur petite caméra ». Alors voyage de noces ou investissement commercial ? Certes tous ceux qui les ont généreusement accueillis et qui, comme le lecteur, sont attachés à la sincérité d’une aventure spirituelle ne liront pas le livre ni ne verront le DVD. J’imagine que certains pourront être déçus, comme l’est le lecteur qui découvre en fermant ce livre la commercialisation de ce qui aurait pu rester le partage d’une expérience humaine extraordinaire.

Mais ne nous arrêtons pas à ces considérations que tous pourront ne pas partager. Ce livre mérite d’être lu et contient beaucoup de pensées qui font partager leur expérience. En voici quelques unes relevées au fil de la lecture.

Alors que la porte d’un refus se ferme devant eux ils écrivent : « Aux yeux des « marchands » nous pourrions passer pour des profiteurs. A nos yeux de « marchants », notre quête va plus loin que le pain et l’eau » (p.30). Ce qui fait regretter encore plus que leur aventure devienne marchandise.

« Si nous marchons vers les Lieux saints, notre Jérusalem est d’abord intérieure » (p. 45). Et pour ceux qui n’ont pas la chance d’expérimenter la marche : « aller à pied, c’est faire marcher ses sens … c’est enfouir son cerveau dans ses talons pour en tirer un jus de crâne ». « La marche mendiante ouvre le cœur et l’esprit et les rend disponibles à toute réponse … » (p.59). « Tout marcheur, par la vulnérabilité qu’offre la route, écrit avec ses pieds des pages d’Evangile » (p.92) « Tout notre être marchant obéit aux lois de la lumière. … Notre vie n’est plus horaire mais solaire ».

Et après des jours de peur et avec un « moral embrumé, cette affirmation « J’ai la certitude malgré tout d’être sur le bon chemin. La paix intérieure est ma boussole ». (p.183)

« Nous allons à pied à Jérusalem », cette phrase qui a ouvert bien des portes devient pour eux un engagement. « Pour cette vieille grabataire, pour ce boiteux qui n’ira pas bien loin, « le leur dire, c’est comme le leur promettre ». (p. 186) « La prière de nos pieds rejoint celle de nos cœurs. Elle se passe de belles formules et écoute avant de parler ». (p. 190) « Le cœur du marcheur est toujours à fleur de peau, sensible comme la plante de ses pieds ». (p.201) « L’humidité instille goutte à goutte l’humilité ». (p. 211)

Commencé dans l’enthousiasme, malgré les difficultés de l’accoutumance physique des premiers jours, leur voyage leur apporte son lot d’épreuves, la peur, le doute, le rejet, la faim et l’incompréhension. Ce Dieu qui avait béni leur amour les aurait-il abandonnés ? Et à Jérusalem ils ont cette réflexion « L’amour n’a plus cette résonance mielleuse et naïve qu’on lui prête souvent. Il a un goût fort ». (p. 300) Sans doute ont-ils manifesté eux-mêmes cette naïveté, leurs premières pages ayant pu aussi donner une impression mielleuse. La fin du livre a, comme ils le disent, un goût plus fort. Au point que le lecteur en vient à regretter qu’ils n’aient pas consacré plus de pages à témoigner de cette force. Ils s’avouent d’ailleurs incapables de faire un bilan. L’épilogue sur le mode humoristique laisse le lecteur sur sa faim. Elle était peut-être la seule sortie possible après les épreuves traversées.

Ils sont partis sans argent mais pas sans relations. Auraient-ils terminé leur voyage sans les quelques parents, amis ou connaissances bien placés qui leur ont procuré les haltes indispensables ou les aides aux moments les plus durs ? Cette richesse de relations n’est sans doute pas assez soulignée dans la présentation du livre. Ils affirmaient dans les premières pages « Biens, confort, famille, amis, nous lâchons tout » (p. 19) mais bien vite ils constataient qu’ils en avaient besoin. Cela n’enlève rien à leur courage ni à la qualité de leur expérience. Comme la pluie c’est un rappel de la nécessaire humilité. Ils ont couru des risques parfois inconsidérés, ils ont eu de la chance. Dieu qu’ils avaient convoqué et à la rencontre de qui ils marchaient (p. 203) leur a-t-il envoyé ses anges dans les moments les plus difficiles ? Ou ont-ils simplement puisé au fonds d’eux-mêmes les ressources nécessaires à leur survie ?

Croire à la force de l’Amour fut leur viatique. C’est une belle leçon. Qu’elle n’incite cependant pas tous les amoureux à franchir des glaciers sans équipements ou à s’aventurer en baskets dans la neige.

Louis Mollaret


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