30 mai 2020
R�action � l’article de La Montagne
L’article affirme d’abord que « Le chemin de Compostelle est historiquement bas� sur la foi et la spiritualit� ». Il oublie l’origine historique de Compostelle, n�e dans le contexte de la Reconquista � des fins politiques et militaires. Certes, annoncer la d�couverte du tombeau d’un ap�tre ne pouvait que susciter l’int�r�t des croyants mais il s’agissait avant tout de les mobiliser pour la croisade contre les Sarrasins.
La seconde affirmation ne rend sans doute pas compte de la complexit� des motivations des marcheurs qui s’engagent sur les chemins : « Chaque ann�e, ils sont nombreux � choisir d’�tre p�lerin plut�t que touriste ». Qui et selon quels crit�res, peut distinguer le marcheur-p�lerin d’un marcheur-touriste ?
L’article oublie au passage la dimension, encore politique, de la d�cision du Conseil de l’Europe prise en faveur de l’Espagne. La finalit� est certes culturelle mais convient-il d’opposer culturel et spirituel sans priver l’un de ses racines et l’autre de son expression ?
Vient ensuite cette phrase pivot de toute l’argumentation : « Hors culture et commerce, une autre voie est possible : celle de la spiritualit� ». Les p�lerins qui parcourent les chemins n’ont-ils pas besoin de trouver des �piceries et boulangeries, des restaurants et des caf�s. Certains g�tes vont m�me jusqu’� leur proposer des boutiques sp�cialis�es ou trouver du mat�riel sp�cifique. A qui faire croire que le p�lerin peut se passer de commerce ?
Mais cet article va plus loin et revendique une d�cision de justice exon�rant les p�lerins de leurs devoirs vis-�-vis des collectivit�s locales travers�es par leurs chemins : « les collectivit�s territoriales r�clamaient une taxe de s�jour aux h�bergements b�n�voles : par le jugement de Rodez, le tribunal a reconnu l’existence de deux chemins, avec des taxes d’�tat non applicables � celui ax� spiritualit� ».
Ce tribunal est bien curieux d’imaginer que les p�lerins sur leurs chemins n’ont pas besoin d’eau potable, n’utilisent pas les r�seaux d’assainissement et ne d�posent aucun d�chet. Au nom de quoi faut-il que tous ces services leur soient offerts par les habitants qui payent des imp�ts et les touristes assujettis � cette taxe ? Pourquoi la spiritualit� exon�rerait-elle les p�lerins de leurs devoirs de solidarit� ? Faire payer aux p�lerins ce qu’ils co�tent aux collectivit�s ne serait pas une « volont� d’�touffer le c�t� spirituel » comme le pr�tend l’article.
Louis Mollaret
Voici le texte de l’article qui ne sera sans doute pas longtemps disponible sur Internet.
Le chemin de Compostelle est historiquement bas� sur la foi et la spiritualit�. Chaque ann�e, ils sont nombreux � choisir d’�tre p�lerin plut�t que touriste. En 1987, le Conseil de l’Europe d�clare les chemins jacquaires d’Espagne et de France « premier itin�raire culturel ». En Haute-Loire, la communaut� d’agglom�ration a, elle, mis� sur le tourisme.
Hors culture et commerce, une autre voie est possible : celle de la spiritualit�. Jean-Marc Lucien a cr�� Webcompostella, site Internet d’informations sur les h�bergements et itin�raires. Il est lui-m�me baliseur agr�� et accueille les p�lerins � l’hospitalit� familiale chr�tienne de Saint-Privat-d’Allier.
« Il faut se laisser porter par son propre chemin » Il revendique, aux c�t�s des 146 associations jacquaires de France, « un autre chemin possible pour des gens qui partent en p�lerinage sans pr�paration ni r�servation. Ils ne sont pas l� pour consommer du chemin ». Les associations ressentent « une vraie r�volte sur l’ambition affich�e de commerce ». Et de rappeler le jugement de Rodez, o� les collectivit�s territoriales r�clamaient une taxe de s�jour aux h�bergements b�n�voles : le tribunal a reconnu l’existence de deux chemins, avec des taxes d’�tat non applicables � celui ax� spiritualit�.
Pour Jean-Marc Lucien, le chemin ce n’est pas le GR 65 : « Si certaines portions se confondent, le chemin passe surtout par des lieux de culte. Entre le Puy-en-Velay et le lac de l’Œuf � Saint-Privat-d’Allier, nous proposons un trac� diff�rent, historique, qui passe par la basilique Saint-Joseph � Espaly, Cordes, Bains… Nous travaillons avec des associations pour remettre en place le trac� historique entre les deux vierges noires, le Puy et Rocamadour ».
Touristes et p�lerins sont conjointement tous les ans toujours plus nombreux : « Je rencontre chaque ann�e environ 5.000 personnes dans une d�marche spirituelle, dont 30 % d’�trangers, beaucoup de Qu�b�cois et d’Allemands ». Des p�lerins qui prennent le d�part « apr�s un accident de la vie, un d�c�s, des probl�mes professionnels. Ils sont en recherche et tentent de se retrouver en dehors du syst�me, d’enlever la carapace ». Cette vision humaniste du chemin est une d�marche difficile qui ne souffrirait pas de c�toyer la foule ou de marcher � c�t� d’une famille de randonneurs. Il faut sortir des sentiers battus ou balis�s, pour un parcours bis : « il faut se laisser porter par son propre chemin ».
Pas question d’exclusion, c�t� tourisme ou p�lerinage : « Il y a de la place pour tout-le-monde. Tant que les deux offres sont possibles, tout va bien. Mais je sens une volont� d’�touffer le c�t� spirituel. Si cela se passe intelligemment ailleurs, comme dans les Pyr�n�es, pourquoi pas en Haute-Loire ? »
�milie Monnereau